eWank

Caresser et faire jouir son téléphone

eWank est une app, un jeu. Vous caressez votre smartphone jusqu’à l’amener à l’orgasme. Pour jouer, vous utilisez vos doigts et votre main. Il n’y a pas d’artefact genré, l’écran affiche un aplat de couleur, c’est l’objet cyborg même qui est stimulé à travers les gestes auxquels il est réceptif.

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eWank est un gratuitiel joyeux et stupide, intense et léger, indispensable et futile, crade et safe. Il parle d’altruisme, d’assignation, d’addiction, de narcissisme et de sensualité.

Nous sommes taquin·e·s et nous affirmons que rien ne vaut une farce qui fonctionne et dans laquelle on risque de se perdre. On le sait, on le dit, on le répète, on le discute: notre relation à notre téléphone portable est ambiguë, riche, pauvre, cloisonnante, ouverte, épanouissante, dégueulasse et aliénante. Si, à cette ambiguïté, nous ajoutons celle toujours vibrante des rapports sexuels, cela nous amènera peut-être à reconsidérer cet objet physiquement si proche, contre la cuisse ou la fesse, au creux de la main et de l’oreille, devenu ici une entité jouisseuse et jouissante, à l’intimité un peu trop exposée. Car, écrit Donna Haraway dans Le Manifeste cyborg, « le plaisir intense que procure le savoir-faire, le savoir-manier les machines n’est plus un péché, mais un aspect de l’incarnation. La machine n’est pas un «ceci» qui doit être animé, vénéré, dominé. La machine est nous, elle est un processus, elle est notre incarnation. Nous pouvons être responsables des machines, elles ne nous dominent pas, elles ne nous menacent pas. Nous sommes responsables des frontières, nous sommes les frontières.»

Nous voulons sublimer le rapport intime que nous entretenons avec nos smartphones. Depuis toujours, intelligents ou pas, les téléphones sont à notre service. C’est ce que l’on aime à croire ; sans tenir compte des phénomènes d’addiction ; sans envisager les troubles jeux d’assignation de rôle dans les rapports BDSM : « C’est parce que je suis esclave que tu es maître·sse ». Nous nous amuserons de la question du rapport de dépendance à son téléphone, la question du Qui tient qui ?

Alors eWank, une individualité multi-profils et chaque fois unique, qu’à l’image de nos téléphones on a toujours dans la poche ou dans son sac, qu’on balade avec son désir constant et ses résolutions aléatoires (surgissement du réel). Néo-genrée cyborg, l’app eWank invite chacun.e à découvrir, déduire, explorer, acquérir des variations et nouveautés en terme de stimulation, caresse, transport, excitation, effarement, ravissement, papouille d’un corps.

Nous sommes prétentieux.ses et gageons que, peut-être, cette farce numérique suscitera des épiphanies en matière de pratiques sexuelles, d’enrichissement des «préliminaires» et d’attentions aux diversités foisonnantes des sensibilités.

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Caresser un·e semblable, un·e autre animal ou un terminal exige de l'attention, du désir. Tou·tes nos testeur·euses trop pressé·es, trop dubitatif·ves échouent à initier par leur manipulation distante un début de progression. Il semble que l'appropriation littérale par l'utilisateurice de l'énoncé – Caresser et faire jouir son téléphone – induise la relation au jeu. Certain·es cherchent des analogies avec le corps humain, les poncifs de la séduction – la couleur chair, "un graphisme plus excitant, plus explicite…" et s'ennuient ; d'autr·es acceptent l'idée nouvelle (et perverse ?) de faire jouir un terminal et s'inventent une nouvelle libido.

Il est dans les habitudes actuelles d'être perturbé·e par nos chers téléphones intelligents. SMS, messages instanés, notifications en tout genre suivant la configuration. Il nous dérange dans notre attention portée sur autre chose que lui. eWank ne cache pas sa réquisition, eWank ne perturbe pas, eWank exige de la sollicitude. Si l’utilisateurice ne se concentre pas uniquement sur le geste qu’il lui est demandé d'effectuer, s’iel n’est pas attentif·ve au seul plaisir de son "partenaire", iel ne pourra le satisfaire.

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eWank est une app conçue et développée par sarah garcin, ferdinand dervieux et frédéric danos grâce au soutien d’une bourse d’aide au développement 2020 du DICRéAM